Pierre Mac Orlan, de son vrai nom
Pierre Dumarchey (
1882-
1970), est un écrivain français, créateur d'une oeuvre imposante, d'une grande homogénéité malgré la diversité des formes sous lesquelles elle se manifeste et des thèmes qu'elle aborde. Du roman à la chanson, de l'essai à la poésie, son oeuvre s'organise autour de quelques concepts clés, au premier rang desquels un abord original et poétique de l'existence contemporaine : le fantastique social.
Biographie
Pierre Dumarchey, alias Pierre Mac Orlan est né à
Péronne, dans la
Somme, le
26 février 1882. Il s'est éteint quatre-vingt huit ans plus tard, le
27 juin 1970, à cent cinquante kilomètres de son lieu de naissance, dans la maison de
Saint-Cyr-sur-Morin (
Seine-et-Marne) dans laquelle il vivait depuis 1924. Entre temps, il a vécu ou est passé par Montmartre, Rouen, Londres, Palerme, Bruges, Brest, Mayence, etc. De ces villes traversées pour l'essentiel avant la Première Guerre mondiale, il a puisé la matière de cent trente livres et soixante cinq chansons.
Pierre Dumarchey (1882-1905 env.)
Évoquer les premières années de la vie de Pierre Mac Orlan relève de la gageure : les éléments que l'on possède à ce sujet sont lacunaires, et Pierre Mac Orlan s'est montré peu disert sur le sujet : « Qui est-il ? », se demande Bernard Baritaud, « Pierre Mac Orlan ou Pierre Dumarchey ? Le premier est resté singulièrement discret sur le second. On ne s'avancera guère en disant que, dès sa jeunesse, il s'est employé systématiquement à l'effacer, à le gommer, au profit d'une personnalité littéraire au nom fantaisiste dont le passé coïncidait merveilleusement avec son oeuvre»
Il est pourtant nécessaire de s'y attarder, car c'est au cours de cette période que Mac Orlan fera ce qu'il se plaisait à appeler son « éducation sentimentale », que sa sensibilité prendra sa forme définitive, et qu'il fera la moisson de souvenirs qui lui serviront de matériaux pour écrire la plupart de ses romans ainsi que la totalité de ses chansons.
Malgré le flou qu'il a volontairement entretenu autour de ses années d'apprentissage, on sait toutefois que la mère de Pierre Dumarchey mourut alors qu'il était très jeune (en 1889, suppose-t-on), qu'il avait un frère cadet, Jean, né en 1887, que son père, Pierre Edmond Dumarchey, exerça, entre autres, la profession de commissaire de police et que ce dernier n'eut pas avec son fils aîné des rapports des plus cordiaux. Était-ce pour cette raison, ou bien fut-ce à cause d'un revers de fortune qu'il confia, vers 1894, ses deux enfants à la garde de leur oncle, inspecteur de l'Éducation nationale à Orléans ?
Orléans (1894-1899)
Dans la ville du bord de Loire, Pierre Dumarchey fait de (médiocres) études, rencontre le jeune
Gaston Couté, qui lui fait découvrir l'oeuvre de
François Villon, laquelle restera une de ses références majeures tout au long de sa vie, tout comme demeurera l'une de ses grandes passions : le
Rugby, dont il découvre les joies également à cette époque. Il écrit des chansons qu'il envoie à son idole :
Aristide Bruant, et rêve de
Paris, spécialement de
Montmartre.
On suppose que c'est en référence à la ville d'Orléans que le nom que se choisira plus tard Pierre Dumarchey sera Mac Orl(é)an(s) (l'intéressé préfèrera invoquer, en guise d'explication, le souvenir d'une bien improbable grand-mère écossaise).
Paris (1899-1901)
Après un bref séjour à
Rouen, en qualité d'élève à l'
École normale (son oncle l'avait décidé à devenir instituteur), incapable de résister à l'appel de la
Bohème parisienne, Pierre Dumarchey laisse ses études en plan, et en
1899 il se rend à Paris où il espère pouvoir se faire rapidement un nom en tant qu'artiste : il a décidé qu'il serait peintre.
« J'aimais la peinture et les arts en général... »
« ... J'aimais la peinture et les arts en général, non pas tant pour la somme d'émotion qu'ils pouvaient me procurer que pour la situation sociale indépendante qu'ils offraient à ceux qui les pratiquaient.
La peinture me plaisait parce que cet art précisait, dans mes heures de méditation à jeun, un atelier avec toutes les idées de la liberté sociale que ce mot éveillait en moi. La plus belle image de confort que je pouvais inventer me représentait dans un atelier de l'Île Lacroix dont la baie vitrée dominait la Seine, les yoles de mer et les « quatre » au garage. Je me voyais fumant ma pipe auprès d'un poële Godin, les pieds très chauds, attendant la visite d'une figurante des Folies-Bergère dont la compagnie m'eût honoré dans les endroits où je fréquentais. Pour compléter ce tableau il me semble encore aujourd'hui, où je ne pense plus de la même façon, que j'eusse désiré peindre à la façon de Lautrec. »
(Pierre Mac Orlan, « Rouen »)
Très vite, il se rend compte que la bohème, une fois débarrassée de ses oripeaux littéraires, n'est qu'une manière pudique de désigner une situation sociale qui oscille entre la précarité et la misère. Plutôt la misère, d'ailleurs, en ce qui le concerne : il ne mange pas toujours à sa faim, passant ses journées à chercher l'expédient qui lui permettra de trouver un lit pour la nuit.
En compagnie de son frère Jean, qui l'a accompagné dans son périple, et qui n'est pas dépourvu de talents pour le dessin, la peinture et le coup de poing, Pierre Dumarchey fréquente les milieux interlopes des faubourgs montmartrois, faune où se mêlent les artistes et les voyous (qui sont parfois les mêmes), tenanciers d'hôtels borgnes, prostituées occasionnelles ou à plein temps, souteneurs, etc. Ce lumpenprolétariat pittoresque et dangereux que l'on retrouvera plus tard, dans ses romans et ses chansons, contrairement à ce qu'on s'imagine parfois, Mac Orlan ne l'a jamais aimé, et le regard qu'il a porté sur lui fut aussi dénué de tendresse que d'indulgence : son attitude sera celle de la « compréhension loyale ». Rien de moins, mais rien de plus.
En 1901, deux ans après son arrivée à Paris, vaincu par la misère, Pierre Dumarchey jette l'éponge : tandis que son frère, peut-être à la suite d'un meurtre, s'enrôlait dans la Légion étrangère, il rentre à Rouen.
Rouen (1901-1905)
« À cette époque, après deux années passées à Paris, au fond des impasses montmartroises, j'avais terminé mon éducation sentimentale. La qualité de cette éducation n'était pas bien rare, mais elle était assez définitive pour me protéger, au hasard des petits évènements quotidiens de ma vie.
Pour vivre, j'étais tantôt correcteur d'imprimerie, tantôt, plus simplement, teneur de copie, selon le besoin du trafic. Ce métier me rapportait quatre francs par jour. Et c'était très bien quand je le comparais aux résultats de mes autres tentatives dans le domaine du travail rémunéré. » (Pierre Mac Orlan, « Rouen », 1966)
La vie de Pierre Dumarchey à Rouen se partage entre ces travaux alimentaires et des sorties nocturnes qui se transforment parfois en dérives qui ne sont pas sans rappeler celles qu'expérimenteront un demi-siècle plus tard les Situationnistes. Là comme à Paris, son chemin croise celui d'individus plus ou moins louches, au premier rang desquels un certain Star, qui deviendra le modèle de personnages parmi les plus inquiétants de ses romans.
Mais il rencontre également, outre le journaliste Paul Lenglois, qui restera son ami jusqu'à sa mort en 1951, et qui apparaît dans la chanson « Jean de la Providence de Dieu », un étudiant, Robert Duquesne, auteur d'un roman intitulé Monsieur Homais voyage. Nous sommes en 1905, Pierre Dumarchey vient de terminer son service militaire, et lorsqu'il illustre l'ouvrage de son camarade il signe sa collaboration du nom de « Pierre Mac Orlan ». C'est la première fois que ce nom est imprimé.
À propos d'un individu louche...
- « Le pivot de notre système social s'appelait Star. Il est mort en emportant son secret, comme on dit. Quand je fis sa rencontre, il était le maître de la vie nocturne de Rouen. »
- « Il était plus dangereux que la lèpre. Sournois et mielleux il servait d'indicateur à la police, dénonçait et mentait pour se tirer d'affaire lui-même. Cet homme enclin au mal avait dû connaître sa force. Mais quand je l'ai rencontré, il était déjà usé. Il errait dans les rues de Rouen, ainsi qu'une vieille chaloupe sans nom.»
- « Star, je sais aujourd'hui, comme je le savais il y a vingt-cinq ans, que vous étiez un coquin encore plus sombre que la majorité de vos compagnons ne le pensait. Je n'ai pas eu à me louer d'avoir fumé la pipe pendant quelques mois à la table où vous buviez, sans excès, mais ce n'est pas sans émotion que j'ai appris que vous étiez mort, comme un vieux chien, sur le paillasson d'un bel appartement vide dont les clefs vous avaient été confiées pour cette occasion »
- « [Il] eut une grande influence sur ma destinée littéraire »
(Pierre Mac Orlan, « Rouen »)
Pierre Mac Orlan(1905-1970)
Retour à Paris : le Bateau-Lavoir et le Lapin Agile (1905-1908)
[image] Pierre Mac Orlan (nous l'appellerons dorénavant de ce nom) connaît toujours des conditons de vie précaires. Il occupe épisodiquement à Montmartre une chambre dans le mythique
Bateau-Lavoir, où il fait la connaissance des peintres
Vlaminck et
Picasso, des poètes
Max Jacob et
André Salmon, de quelques autres qui n'ont pas laissé de nom dans l'histoire de l'art ou de la littérature. Il se liera plus tard d'amitié avec Guillaume Apollinaire.
Le soir, en compagnie de quelques-uns de ses amis artistes, il fréquente le cabaret de Frédéric Gérard : Le Lapin Agile, sur le livre d'or duquel Max Jacob écrira un soir ce quatrain :
Paris, la mer qui pense apportece soir au coin de ta porte
Ô tavernier du quai des Brumes
sa gerbe d'écume
... Dont l'avant-dernier vers donnera son titre au plus connu, sinon au plus lu, des romans de Pierre Mac Orlan.
Il cherche encore à vivre de sa peinture, avec toujours aussi peu de succès, découvre l'oeuvre de Kipling (il sera profondément et durablement touché par La Lumière qui s'éteint).
Il voyage également beaucoup à cette époque : Italie (Palerme, Naples), Belgique (Bruges, notamment), Marseille, Tunisie... C'est en compagnie d'une « femme de lettres aisée » qu'il accomplit certain de ces voyages, en qualité de « secrétaire particulier ».
De la peinture à l'écriture (1908-1914)
C'est l'écrivain
Roland Dorgelès, que Mac Orlan avait rencontré à Montmartre et qui était devenu son ami, qui le présente à
Gus Bofa, alors rédacteur en chef du journal
Le Rire. La légende (soigneusement entretenue par Mac Orlan) veut que l'illustrateur, à qui Mac Orlan présentait des caricatures de sa composition, ait été frappé, non tant par les dessins, qu'il jugeait mauvais, que par les légendes qui les accompagnaient. Il aurait alors convaincu Mac Orlan d'abandonner ses ambitions dans les Beaux-arts pour se consacrer à l'écriture de contes humoristiques qu'il se proposait de publier dans
Le Rire.
C'est ainsi que Pierre Mac Orlan signe ses premiers textes, qui lui valent un début de notoriété. Un recueil de ses contes voit le jour en 1911 (Les Pattes en l'air), suivi l'année suivante par un premier roman, à l'humour grinçant, qui le consacre définitivement comme écrivain : La Maison du retour écoeurant. Il collabore à La Bonne chanson, Revue du foyer, littéraire et musicale dirigée par Théodore Botrel.
Sa situation personnelle se stabilise en même temps que sa situation professionnelle : il épouse en 1913 Marguerite Luc, belle-fille de Frédéric Gérard, le tenancier du « Lapin Agile. » C'est le début d'un demi-siècle d'une vie de couple souvent orageuse.
C'est la guerre ! (1914-1918)
[image] Pierre Mac Orlan est en villégiature en Bretagne au moment où il apprend que la guerre est déclarée. Mobilisé le
2 août 1914 , il rejoint le 69e d'infanterie, à
Toul. Il est blessé le 14 septembre 1916, près de Péronne, à quelques kilomètres de son lieu de naissance. Étendu dans un fossé, il doit d'avoir la vie sauve à un « Joyeux », autrement dit l'une de ces fortes têtes, souvent des repris de justice, qui composent les bataillons d'Afrique. « Mac Orlan sera éternellement reconnaissant à ces soldats des sections de discipline qui étaient les frères d'infortune du légionnaire Jean Dumarchey », écrit Jean-Claude Lamy .
Mac Orlan retourne à la vie civile décoré de la Croix de guerre. De cette expérience du front, il conservera un souvenir intense et ambigu, mélange de fascination et de dégoût pour cette « extraordinaire époque où plusieurs millions d'hommes furent transformés en aventuriers « actifs », firent cent fois le sacrifice de leur vie, de leurs affections, de ce qu'ils avaient été et de ce qu'ils pouvaient devenir ». Il n'en reste pas moins, estimera-t-il, qu'un « match d'un homme de soixante-dix kilos contre un obus du même poids est, sans discussion, une des inventions les plus sottes de notre temps. Toute la guerre de 1914 est établie sur ces proportions. Cette expérience démontre chez les hommes une inconscience inquiétante. »
Quoi qu'il en soit, l'écrivain n'a jamais manifesté le désir de renouveler l'expérience et dans son Petit manuel du parfait aventurier, paru en 1920, il vante les bonheurs de l'aventure « passive », celle que l'on goûte assis dans son fauteuil, par opposition aux dangereuses incertitudes qui sont le lot habituel des aventuriers « actifs ».
Écrivain et grand reporter (1918-1937)
Les années d'après-guerre sont des années fastes pour Pierre Mac Orlan : sa réputation littéraire grandit grâce à la publication de romans tels que
Le Nègre Léonard et Maitre Jean Mullin (
1920) (qui lui vaut les compliments de
Marcel Proust, et dont
Antonin Artaud apprécie « le fascinant cachet d'irréalité presque logique »),
La Cavalière Elsa (
1921),
Marguerite de la nuit (
1924),
Le Quai des brumes (
1927), etc. En parallèle, il devient directeur artistique des Éditions d'Art de la Renaissance du Livre et, lorsqu'il n'est pas envoyé à l'étranger pour en ramener des reportages, il coule en compagnie de son épouse des jours paisibles dans la maison de
Saint-Cyr-sur-Morin qu'il a fini de restaurer en 1924.
En sa qualité de grand reporter, recruté en même temps que quelques autres écrivains par Pierre Lazareff, Mac Orlan se rend notamment en Allemagne, où il rend compte de la Révolution allemande, et où il retourne régulièrement jusqu'en 1937, observateur lucide de la dégradation de la situation sociale et témoin inquiet des progrès de l'Hitlérisme.
Il est également envoyé en Tunisie faire des reportages sur la Légion étrangère, en Angleterre pour couvrir un fait-divers sordide, qui lui permet d'étudier les méthodes de Scotland Yard, en Italie où, en 1925, il fait une interview de Mussolini. On citera enfin une série d'articles consacrés à un aspect peu connu de la Prohibition américaine : « l'Avenue du rhum » et ses pirates (voir le recueil de reportages publié sous le titre de : Le Mystère de la malle n°1 .)
De ces reportages, Mac Orlan tirera également la matière de plusieurs romans : ainsi du Camp Domineau (1937) pour les reportages sur la Légion, ou de Dinah Miami (1928) pour les reportages sur la Prohibition.
Cette époque marque un autre bouleversement dans la vie de Pierre Mac Orlan : la mort de son frère cadet. Jean Dumarchey, devenu on s'en souvient légionnaire au début du siècle, était libérable au moment où a éclaté la Première Guerre mondiale. Il ira au front, sera blessé, retournera néanmoins au feu. Le légionnaire Dumarchey, anarchiste dans l'âme, allergique à la discipline, hermétique à la propagande, ne s'est jamais fait d'illusions sur les raisons pour lesquelles on lui demandait de faire la guerre : « J'ai vu le peuple se faire tuer sans conviction, écrivit-il dans une lettre désabusée à son frère, pour une cause qu'il n'a pas comprise et qu'il ne comprendra probablement jamais. » Il meurt en 1929 des suites d'une hémorragie cérébrale.
Avec la disparition de Jean se rompait le seul lien qui rattachait Pierre au nom de « Dumarchey. »
Saint-Cyr-sur-Morin (1) (1938-1950)
La Seconde Guerre mondiale apparaît à Mac Orlan comme une monstrueuse absurdité, et le pousse à se désintéresser un peu plus de l'actualité de son temps et à travailler à la mise en forme de ses souvenirs, qui sont rattachés à un monde dont les bombardements ont fini d'anéantir le décor matériel, et dont l'avenir s'annonce comme étant en rupture fondamentale avec tout ce qu'il avait été jusque là : « Un homme qui avait vingt ans quand Stendhal écrivait l'histoire de Fabrice del Dongo », notera-t-il en
1961, « un homme qui avait vingt ans quand Villon entendait sonner la petite cloche de la Sorbonne n'étaient pas très différents de ce que j'étais quand j'avais vingt ans. Mais je ne peux plus ressembler à l'homme qui aura vingt ans dans un demi-siècle ».
Pourtant, Mac Orlan reste à l'écoute des innovations techniques dont son époque est prodigue : depuis longtemps déjà, il avait compris l'importance que prendraient le cinéma et le phonographe. Il s'intéresse également à la radio pour laquelle il écrit des chroniques et participe à des émissions.
La télévision même ne le laisse pas indifférent : il achètera dès le moment qu'elles seront disponibles une télévision en couleurs. Mais ce sera afin de mieux distinguer les maillots des joueurs lors des diffusions dominicales des matchs de rugby.
Les honneurs (1950-1968)
En
1950, Pierre Mac Orlan est élu, à l'unanimité, membre de l'
Académie Goncourt (il reprend le couvert de
Lucien Descaves). Il se vantera d'être le seul membre de la prestigieuse institution à ouvrir lui-même quand on frappe à sa porte.
S'il s'est fait prier pour entrer à l'Académie Goncourt, on ne peut pas dire pour autant que Mac Orlan méprisait les distinctions, et c'est avec un plaisir évident qu'il reçoit en 1967 celle qu'il attendait depuis des années : les insignes de commandeur de la Légion d'honneur, décernée par Georges Pompidou sur proposition du ministre la Culture André Malraux, depuis longtemps un admirateur de l'oeuvre du patriarche de Saint-Cyr-sur-Morin. Distinction longtemps retardée par le fait que Mac Orlan avait publié, dans les années 1910-1920, diverses oeuvres érotiques.
Enfin, en 1968, Mac Orlan rejoint Boris Vian et Raymond Queneau au Collège de 'Pataphysique, où il entre en qualité de Satrape, ce qui a dû lui rappeler ses années rouennaises du tout début du siècle, lorsque la connaissance de l'oeuvre d'Alfred Jarry valait brevet d'admission dans la petite bande à laquelle il appartenait.
Saint-Cyr-sur-Morin (2) : les dernières années (1963-1970)
Après la mort de sa femme, le 10 novembre
1963, Mac Orlan ne sort plus guère de la maison qu'il habite depuis 1924. Il reçoit en revanche des visites, par exemple de
Georges Brassens, qui aura ce joli mot à propos de Mac Orlan : « il donne des souvenirs à ceux qui n'en ont pas » et de Jean-Pierre Chabrol, qui habite Saint-Cyr. Mac Orlan, parfois, sort son accordéon et chante quelques unes des chansons qu'il écrit depuis le début des années cinquante, et qui évoquent le monde d'avant le cataclysme de la Première Guerre mondiale, à moins qu'il n'entonne un vieil air de marche militaire.
Le vieil homme parait pauvre, des amis s'en émeuvent. En réalité, grâce aux droits d'auteur qu'il perçoit pour ses livres, et surtout ses chansons, Mac Orlan est largement à l'abri du besoin. Mais l'écrivain vit chichement, dans une économie qui lorgne vers l'avarice. C'est que toute sa vie, confiera-t-il, il a vécu avec au ventre la peur de connaître à nouveau la faim, avec laquelle il avait fait connaissance durant les années montmartroises de la fin de son adolescence.
La peur le quitte en même temps que ces souvenirs dont il était si prodigue le 27 juin 1970.
Parmi ses dernières volontés, il exprime le désir que « chaque année un prix portant [son] nom soit attribué à Saint-Cyr-sur-Morin (frais payés) à un écrivain de valeur, de préférence âgé et en difficulté avec la vie ou un artiste peintre offrant une situation semblable ».
Pierre Mac Orlan de l'Académie Goncourt, 1882-1970, est inhumé au cimetière du village où il avait choisi de vivre quarante-cinq ans plus tôt.
Principales oeuvres classées par genre
Concernant les essais et la poésie, ne sont indiquées que les éditions définitives. N'ont pas été mentionnées, pour ne pas alourdir une liste déjà volumineuse, les dates des premières parutions des textes recueillis plus tard en volumes.
Pour ce qui est du classement par genre, on gardera présent à l'esprit cet avertissement de Raymond Queneau : « L'oeuvre de Mac Orlan est singulièrement homogène, du poème à l'essai, de la chanson au roman, il n'a qu'un pas à franchir qu'il franchit constamment. L'Inflation sentimentale, poème, est un essai romancé ; Simone de Montmartre, poème, est un roman. [...] Tel ou tel roman ne s'avère-t-il pas aussi bien poème que documentaire, et tel essai d'aspect documentaire un véritable roman » (Préface aux OEuvres Complètes de Pierre Mac Orlan, I, p. XVIII)
Les OEuvres complètes de Pierre Mac Orlan ont été publiées par « Le Cercle du biliophile » à Genève en 1968 en 25 volumes.
Romans et nouvelles
- Les Pattes en l'air 1911
- La Maison du Retour écoeurant 1912
- Le Rire jaune 1913
- U-713 ou les Gentilshommes d'infortune 1917
- Le Chant de l'équipage 1918
- Bob bataillonnaire 1919 (repris et complété en 1931 sous le titre Le Bataillonnaire)
- La Clique du Café Brebis, histoire d'un centre de rééducation intellectuelle 1919
- Chronique des jours désespérés 1919
- Le Nègre Léonard et maître Jean Mullin 1920
- À bord de L'Étoile Matutine 1920
- La Bête conquérante 1920
- La Cavalière Elsa 1921
- Malice 1923
- La vénus internationale 1923
- Marguerite de la nuit 1925
- Les Clients du Bon Chien jaune 1926
- Sous la lumière froide 1926
- Le Quai des brumes 1927
- Dinah Miami 1928
- Les Vrais Mémoires de Fanny Hill 1929 (repris et complété en 1952 sous le titre Les dés pipés ou Les aventures de Miss Fanny Hill)
- La tradition de minuit 1930
- La bandera 1931
- Quartier réservé 1932
- Filles d'amour et Ports d'Europe 1932 (première version de ce qui deviendra Mademoiselle Bambù en 1966)
- La Nuit de Zeebrugge 1934 (republié sous le titre Le Bal du Pont du Nord en 1946)
- Le Tueur n°2 1935
- Le Camp Domineau 1937
- Le Carrefour des trois couteaux 1940
- L'Ancre de miséricorde 1941
- Picardie 1943
- La Croix, l'ancre et la grenade 1944
Essais, mémoires, reportages
- Le Petit manuel du parfait aventurier 1920
- Les Offensives du printemps 1920
- Gus Bofa 1929
- Les Valets d'ombre 1930
- Le Bataillon de la mauvaise chance 1933
- Berlin 1935
- Propos d'infanterie 1936
- Vlaminck, peintures. 1900-1945 1947
- Eloge de Gus Bofa 1949
- Les Bandes 1950
- Courbet 1951
- Utrillo 1952
- La Lanterne sourde 1953
- Le Mémorial du petit jour 1955
- Vlaminck 1958 (texte différent de celui du Vlaminck de 1947)
- La Petite cloche de Sorbonne 1959
- Masques sur Mesure 1965
- Villes 1966
- Le Mystère de la malle n°1 (quatre reportages de 1924 à 1934), (posthume, 1984)
- Images abolies (sélection de textes rares de Pierre Mac Orlan) (posthume, 2005)
Poésie
- Poésies documentaire complètes 1954
Chansons
[image] Article détaillé : . «
La chanson n'est pas son violon d'Ingres, c'est l'une des voix naturelles de sa vie créatrice » (Jean-Pierre Chabrol)
Les chansons de Mac Orlan eurent pour interprètes principales Germaine Montero, Monique Morelli et Juliette Gréco.
Chansons pour accordéon (1953)
- Bel-Abbes (musique de V. Marceau)
- Chanson de la route de Bapaume (musique de V. Marceau)
- La Belle de Mai (musique de V. Marceau)
- Fanny de Laninon (musique de V. Marceau)
- La Bonne Aventure (musique de Lino Léonardi)
- La Chanson de la ville morte (musique de Lino Léonardi)
- La Chanson de Margaret (musique de V. Marceau)
- La Fille de Londres (musique de V. Marceau)
- Le Pont du Nord (musique de Philippe-Gérard)
- Marie-Dominique (musique de V. Marceau)
- Nelly (musique de V. Marceau)
- Rose des bois (musique de V. Marceau)
- Rue de Chiaïa (musique de V. Marceau)
- Rue Saint-Jacques (musique de V. Marceau)
Mémoires en chansons (1965)
- À Sainte-Savine (musique de H-J. Dupuy)
- Au tapis-franc (musique de V. Marceau)
- Ça n'a pas d'importance (musique de V. Marceau)
- Chanson perdue (musique de Philippe-Gérard)
- Complainte de Pillawer (musique de Willy Grouvel)
- Comptine (musique de Philippe-Gérard)
- Écrit sur les murs (musique de Philippe-Gérard)
- En disant : chiche (musique de V. Marceau)
- Il aurait pu... (musique de Georges van Parys)
- J'ai dans la Caroline... (musique de Philippe-Gérard)
- Jean de la Providence de Dieu (musique de Philippe-Gérard)
- Je peux vous raconter... (musique de Philippe-Gérard)
- La Fille des bois (musique de Léo Ferré)
- La Fleur aux dents (musique de V. Marceau)
- La Route de Simla (musique de Georges Van Parys)
- La Rue qui pavoise (musique de Lino Léonardi)
- L'Entrée du port (musique de Georges Van Parys)
- Le Bout du quai (musique de V. Marceau)
- Le Départ des Joyeux (musique de Philippe-Gérard)
- Le clochard (musique d'André Astier)
- Le tour du monde (musique de Philippe-Gérard)
- Les Compagnons du Tour de France (musique de Lino Léonardi)
- Les Gentlemen de la nuit (musique de Georges Van Parys)
- Les Progrès d'une garce (musique de V. Marceau)
- Matines (musique de Philippe-Gérard)
- Merci bien (musique de Lino Léonardi)
- Souris et souricières (musique de Philippe-Gérard)
- Tendres promesses (musique de Philippe-Gérard)
- Terre promise (musique de Philippe-Gérard)
- Tortuga (musique de Georges Van Parys)
Mac Orlan au cinéma
« Si je pouvais tout recommencer, je n'écrirais plus de livres, je ferais des films » (Pierre Mac Orlan.)
- L'Inhumaine, réalisé par Marcel L'Herbier (1924), scénario co-écrit par Pierre Mac Orlan, Georgette Leblanc, Marcel Lherbier
- La Bandera, adapté et réalisé par Julien Duvivier (1935)
- Quai des brumes, réalisé par Marcel Carné (1938), scénario de Jacques Prévert
- François Villon, réalisé par André Zwobada (1945), scénario de Pierre Mac Orlan
- Marguerite de la nuit, réalisé par Claude Autant-Lara (1956), scénario de Ghislaine Autant-Lara et Gabriel Arout
Annexes
Bibliographie
- Le Petit Mac Orlan illustré, Musée des Pays de Seine-et-Marne, 1996
- Bernard Baritaud, Pierre Mac Orlan, sa vie, son oeuvre, Droz, Genève, 1992
- Jean-Claude Lamy, Mac Orlan, l'aventurier immobile, Albin Michel, Paris, 2002
Liens externes
Notes et références
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